JOURDAN-MORHANGE, HELENE

Acte de naissance d’Hélène Morange.
Source : Archives Nationales (V4E 6301, vue 28/31)

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« A ma Moune, 24 janvier 16 »
Portrait d’Hélène Morhange attribué à tort à Luc-Albert Moreau
Source : Drouot
 

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L’auteur est en fait Jacques Jourdan, le premier mari d’Hélène, comme le prouvent la signature Jacques sous la dédicaces et la photographie ci-dessous :

Jacques Jourdan et Hélène devant le portrait
Source : CD Galerie
Verso – le 23 janvier 1916, deux mois avant sa mort à Verdun
Source : CD Galerie
Hélène et Jacques en janvier 1916

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Extrait de l’acte de mariage d’Hélène Morhange et Jacques Jourdan.
Source : Archives de Paris (17M 355, vue 11/31)

Source : Archives de Paris (Matricule 694, D4R1 1056)

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Hélène Jourdan, veuve, chef de ménage, domiciliée au 19, rue Théodore-de-Banville, Paris (17è) sur le recensement de 1936
Source : Archives de Paris (D2M8 663, vue 69/241) 

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Acte de mariage d’Hélène Morhange et Albert Lucien Moreau.
L’écrivaine Colette et le compositeur Raymond Charpentier en sont les témoins.
Source : Archives de Paris (17M 492, vue 30/33)

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Source : Sotheby’s

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Extrait d’un article d’Hélène Jourdan-Morhange sur le festival Darius Milhaud organisé en décembre 1944. Le compositeur juif, dont l’œuvre est censurée pendant l’Occupation, s’était réfugié aux Etats-Unis en 1940 et n’en revient qu’en 1947.
Source :  Femmes Françaises, 14 décembre 1944

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Luc-Albert Moreau (1882-1948), que Colette surnommait Toutounet, compagnon puis mari d’Hélène Jourdan-Morhange. Peintre, graveur et illustrateur de livres dont Les chimères de Nerval, L’amour vénal de Carco, Ouvert la nuit de Paul Morand, La naissance du jour de Colette. Ici, à gauche le 8 août 1941 et à droite en 1943, avec le photographe Willy Michel.
Source : Jean-Christophe Curtet/Flickr
 

« Montfort-l’Amaury compte parmi les dimanches à la campagne de mon adolescence. Dans une voiture bringuebalante, nous arrivons aux « Mesnul », chez la musicienne Hélène Jourdan-Morhange, le peintre Luc Albert Moreau et leurs trois chats. Hélène, cousine de ma mère, altiste virtuose, avait créé les quatuors féminins dans les orchestres de chambre et recevait des ovations à chacun de ses concerts lorsqu’un drame bouleversa sa vie. Une paralysie du bras avec lequel elle tenait l’archet l’empêcha de poursuivre sa carrière. Aucun diagnostic n’en révéla la cause. On parla de névrite, d’un cas typique d’hystérie de conversion. Pendant des années, elle espéra, à force de traitements, améliorer son état. Ses déboires amoureux pouvaient-ils expliquer sa paralysie ? Un psychanalyste l’aurait-il guérie ? L’interprète de Ravel connut son premier chagrin d’amour avec son fiancé Pierre Lecomte du Nouy. Elle l’adorait mais la mère du prétendant, auteur d’Amitié amoureuse et autres livres à caractère sentimental, ne consentit pas à se séparer de son fils. La violoniste, cruellement blessée, se consola dans les bras d’un jeune peintre, Jacques Jourdan, ami d’enfance et de vacances à Saint-Lunaire, où ma mère et ses cousines retrouvaient, chaque été, les personnalités de la scène parisienne : Georges Feydeau, Tristan Bernard, le poète Jean Richepin et Ève Lavallière, vedette du Théâtre des Variétés avant d’entrer au couvent. Jacques Jourdan épousa Hélène mais disparut peu après, en 1916, au fort de Douaumont. Ce nouveau choc terrassa la virtuose et la priva de toute possibilité de jouer du violon. Mais celle qui fut l’une des premières femmes à nager dans l’océan, à bronzer sur la plage et à conduire une voiture ne se laissa pas abattre. Admirable pour la ferveur et l’audace qu’elle mettait dans tout ce qu’elle entreprenait, elle remplaça l’archet par la plume et proposa à plusieurs journaux des critiques musicales. C’était touchant de voir sa modestie se transformer en admiration pour elle-même. Elle s’étonnait de son talent.  » Comment ai-je pu écrire un si bon texte?  » disait-elle en se relisant. « Aux Mesnuls », Luc-Albert Moreau, avec une tonsure de moine et des petits yeux de biche, armé de cannes depuis sa blessure de guerre, nous entraîne dans son atelier et nous montre ses toiles peintes dans le Midi. Je suis en train d’admirer un vieux portrait de Grock, clown au regard tendre que j’avais vu au cirque Médrano tomber de son tabouret de piano, lorsque ma cousine nous appelle pour déjeuner. Dans un décor Louis Philippe envahi d’objets romantiques (bouquets de fleurs d’oranger sous globe comme ceux que peint ma mère, boucles de cheveux d’une arrière grand-mère de Luc conservés sous verre dans un cadre ovale), elle nous sert les produits de son jardin. Le dessert avalé, nous partons chez Colette, dans une forêt voisine. En tenue campagnarde, le visage caché par sa grosse tignasse frisée, l’écrivain jardine et nourrit les oiseaux qui la réveille chaque matin. De sa voix charmeuse de Bourguignonne, roulant les r, la Claudine vieillie m’apprend le nom de chaque arbre, ses amis. Elle vient de commencer un ouvrage sur sa mère, Sido, mais il est défendu de parler des livres qu’elle est en train d’écrire. Hélène m’a raconté l’amitié particulière qui la liait à Colette. Elles s’étaient rencontrées en 1925 lors de la présentation de L’Enfant et les Sortilèges, composé par Ravel d’après un poème féerique de l’auteur de Chéri. Séduite, la romancière l’a dépeinte: « Une chevelure bouclée par Melozzo da Forli pour son Ange à la viole d’ou émerge un visage de chat… » De son côté, Hélène confie : « Je voulais lui ressembler, me coiffer comme elle, élever de nombreux chats. » Inconsolable à la mort de « La Chatte », son double en animal, et de son chien « Souci », Colette se rapprocha plus encore de sa « Moune », comme la surnommait Ravel. Ravel, le dieu d’Hélène, aurait songé à l’épouser. Elle le connaissait depuis 1920, interprétait ses œuvres, écrivit des livres sur sa vie, sa méthode, son style, et publia un ouvrage de souvenirs vécus auprès du maître, Ravel et Nous, préfacé par Colette. Un jour, nous passons devant la demeure du compositeur, les volets sont fermés, il est absent. Je ne vois que l’extérieur de la maison. Hélène l’a décrite : « vraiment cocasse, coupée en quart de brie sur la route, avec son petit belvédère de boîte à joujoux ! Les pièces y sont peu spacieuses et la chambre du maître donnant à même le jardin semble une sorte de cave étonnée d’être habillée de satin. [ … ] Il y avait aussi le rite de la visite au jardin révélant à l’invité surpris les termes d’enthousiasme que Ravel réservait aux choses de la nature. Extasié comme au premier jour, il semblait toujours découvrir les milliers de petites fleurs bleues composant sa pelouse japonaise, et ses arbres nains … » Féministe et gauchiste, critique aux Lettres françaises, Moune, épuisée par trop de travail, décida enfin d’aller à Honfleur chez sa sœur Alice pour se reposer. Prise de malaise à son arrivée, ne ménageant pas ses forces, elle retourna à Paris dans sa voiture au lieu de rentrer en ambulance. L’infarctus ne l’épargne pas. Je lui dis adieu à la clinique : “ J’ai aimé ma vie ! ” murmura-t-elle dans un dernier souffle. » Extrait de L’Ecole de Paris de Jeanine Warnod