BLOCH, GILBERTE née LIEWER
Transcription d’un extrait du témoignage que la fille de Jean et Gilberte Bloch, Claude Bloch-Dalsace, a fait pour la Shoah Foundation Visual History Archive :
Interviewer : Quels étaient vos rapports avec le judaïsme à cette époque ?
Claude : Alors, chose très curieuse, nous n’avions aucun rapport avec le judaïsme parce que mes parents, mon père avait énormément souffert de l’affaire Dreyfus. Il était au lycée Condorcet et lui et ses camarades – il avait trois camarades juifs dans sa classe- il rentrait de classe les vêtements totalement déchirés car ils étaient littéralement lynchés par des enfants d’extrême-droite. Il en avait gardé un souvenir épouvantable et lui et ma mère avaient décidé que, s’ils avaient des enfants, ils les baptiseraient parce que c’était la religion la plus répandue en France et que c’était aussi simple. Et certainement par un souci d’honnêteté, finalement, quand, nous, nous sommes nés, ils ne l’ont pas fait. Mais ils étaient athées et ils nous ont élevés totalement sans religion. Et je dois dire que j’ai eu un choc en jouant au Champ-de-Mars, quand j’avais à peu près sept ans. Une petite fille a dit : « Je ne peux pas jouer avec toi parce que tu es juive. » Et je ne savais pas ce que c’était. Et j’ai demandé à ma nounou et c’est la nurse anglaise d’une autre petite amie qui m’a expliqué très intelligemment ce que c’était et qui m’a dit : « Toutes ces petites filles sont des imbéciles parce que tu n’as qu’à leur répondre que Jésus était juif. »
Edith : Vous avez mentionné la nounou ? J’ai l’impression que cette nounou a joué un très grand rôle dans votre vie.
Claude : Oui, parce que cette nounou est entrée à la maison pour ma naissance et qu’elle est restée quarante-cinq ans. Elle est morte à la maison et pendant la guerre, elle a été littéralement héroïque. Parce que quand mon père a été déporté, maman était pas… pas neurasthénique, pas en dépression mais c’était très difficile à vivre. Et il lui arrivait de dire : « Je n’en peux plus. Je crois que je vais me jeter par la fenêtre » et nounou a dormi au pied de son lit pendant toute l’Occupation.
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Source : The Jewish Museum
